Articles journalistiques publiés en Belgique: le temps partiel des femmes

Gewijzigd op : 3-10-19

Articles axés économie et social, interview de star, société. Articles paru pour Axelle

Articles journalistiques publiés en Belgique: le temps partiel des femmes

En Belgique, le temps partiel est une histoire de femmes : elles constituent 80 % des employé·es à temps partiel. Ces emplois sont présentés comme la solution pour articuler vie professionnelle et vie familiale : est-ce vraiment le cas ? Avec quelles conséquences ? Tour d’horizon d’un régime de plus en plus répandu.

Sandrine, commerciale dans une société d’informatique, a choisi de travailler à 4/5e à la nais-sance de son premier enfant. Heureuse de son choix, elle l’a renouvelé à la naissance de son deuxième, malgré le fait que sa charge de travail n’ait pas été revue à la baisse. Quant à Brigitte, employée dans un ministère, elle a choisi le 4/5e pour pratiquer sa passion, le yoga, et donner cours une fois par semaine.

Temps partiels subis

Mais sandrine et Brigitte ne représentent que 10,8 % des femmes qui choisissent le temps partiel librement. Toutes les autres le subissent, contraintes par le marché du travail et par l’insuffisance de la prise en charge collective du soin aux autres. Comme margot, journaliste, et Alexia, employée administrative, qui travaillent à mi-temps. La première n’a pas trouvé de place en crèche ; le mari d’Alexia, cadre supérieur, voyage régulièrement à l’étranger, explique la jeune femme devant une tasse de café, le temps d’une pause dans sa recherche d’emploi. Car sa société a décidé de se séparer d’elle, son poste n’étant plus « crucial ». et pour Véronique, vendeuse dans une grande surface, maman solo de deux enfants en primaire, c’était impossible de gérer seule sa famille tout en travaillant à temps plein... Le « choix » de toutes ces femmes n’en est donc pas vraiment un. mais comment en sommes-nous arrivé·es là ? Dans les années 1960, les femmes restaient en majorité au foyer. Puis, dans les années 1970, en même temps que les mouvements féministes prenaient de l’essor, elles furent appelées par l’État à collaborer à la productivité du pays. Le temps plein était un modèle. Celles qui ne trouvaient qu’un temps partiel ont eu droit à une allocation appelée AGR (allocation garantie de revenus), un « complément chômage » encore existant aujourd’hui, bien que régulièrement menacé.

À qui profite le temps partiel ?

Aujourd’hui, le travail à temps partiel est présenté comme une opportunité pour mieux « concilier » vie professionnelle et vie familiale. Esteban Martinez, professeur de sociologie à l’ULB, dénonce cette « rhétorique de la conciliation » lors d’un colloque sur le temps partiel organisé en décembre par le Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB). Esteban Martinez souligne que les politiques publiques de l’emploi ont stimulé le temps partiel pour répondre, en réalité, aux besoins de flexibilité des entreprises. et en une génération, le temps partiel des femmes a explosé : selon les chiffres présen-tés par le professeur, il est passé de 3,8 % de l’emploi total (hommes et femmes confondu·es) en 1973 à 27,4 % en 2016. il représente aujourd’hui 44,9 % de l’emploi des femmes. Le fait que ce régime est devenu majoritaire dans les secteurs tels que la grande distri-bution, l’Horeca, les soins de santé – où les femmes sont les plus représentées – a rendu l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle des travailleuses plus difficile, avec des horaires impossibles : horaires décalés, travail le weekend, etc. Bien loin de l’opportunité annoncée.

Les raisons du temps partiel

22 % des femmes travaillent à temps partiel uniquement parce que les services de soin (garderie, aide aux personnes) ne sont pas disponibles4. Un autre chiffre édifiant indique que 27,5 % des femmes travaillent à temps partiel pour des raisons «personnelles ou familiales». « La naissance d’un enfant, c’est un vrai cataclysme pour une femme », s’exclame lors du colloque isabella Lenarduzzi, présidente et fondatrice de Jump, qui œuvre à l’égalité dans le monde de l’entreprise. en effet, 40 % des femmes changent de fonction ou de travail après une première naissance et leur taux d’emploi chute à 58 % après la troisième naissance... Cet « abandon » du monde du travail, plus important pendant les premières années de vie de l’enfant, est notamment dû au manque de places d’accueil de la petite enfance. Les chiffres fournis par l’ONE sont sans appel : en Fédération Wallonie-Bruxelles, un tiers des enfants seulement a une place disponible en milieu d’accueil. Naissance d’un enfant donc, mais aussi parents âgés dont il faut s’occuper, ges-tion inégalitaire de la charge de travail à l’intérieur du couple... : « Partout en Europe, le temps partiel est une affaire de femmes », constate síle o’Dorchai, directrice scientifique de l’IWEPS (institut wal-lon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique). Les femmes occupent en effet 80 % des emplois à temps partiel en Belgique, avec une prédominance dans le secteur des soins à la personne.

Conséquences sur les pensions

La Belgique figure parmi les pays d’europe aux pensions les plus basses : la pauvreté des femmes pensionnées est bien réelle. « La pension légale mensuelle moyenne d’un homme est de 943 euros, celle d’une femme n’est que de 701 euros, bien en des-sous du seuil de pauvreté », dénonce estelle Ceulemans, responsable de la centrale générale de la FGTB, présente au colloque. Gaëlle Demez, des Femmes CsSC, renchérit : « Aujourd’hui, il n’y a pas de mécanisme de compensation sur la pension complémentaire du mari. En 2008, seulement 18 % des femmes avaient accès à cette pen-sion, par rapport à 48 % des hommes ! »

Le fait que le temps partiel est devenu majoritaire dans les secteurs tels que la grande distribution, l’Horeca, les soins de santé – où les femmes sont les plus représentées – a rendu l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle des travailleuses plus difficile, avec des horaires impossibles : horaires décalés, travail le week-end, etc.

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Auteur : Alessandra Leo