La poste moderne ferme à 5:13:02
Il était une fois des prétentions littéraires
Black Lagoon
L’eau, solvant universel, efface les aspérités, gâte l’épaisseur des gestes. Pas la peine de gesticuler à signifier que tout est fini pour autant que quelques détails puissent mettre à distance les erreurs d’interprétation : un filet de sang se dévidant d’une plaie et l’abandon inhabituel des membres font parfaitement l’affaire. Je ne nage plus, je coule, en prenant soin de ne pas déranger le défilement des algues, des crevettes et des tilapias dans le reflet de mes yeux vagues. Soucieux de la longueur régulière du point d’orgue, je bas des cils le moins possible. Je m’enfonce calmement dans les abysses de mon biotope.
Qu’est-ce au juste qui m’immobilise ainsi ? D’où me vient cette raideur du corps et, sans doute de l’esprit, qui m’empêche de profiter du liquide avec la souplesse insouciante des grands monstres ?
Il y a certes le harpon dépassant de mon flanc, qui me prolonge d’un appendice grotesque, mais ce n’est qu’un épiphénomène. Le chasseur qui me l’a planté là se gargarisera tant qu’il veut de son adresse, cette tige d’acier, pourrait aussi bien, de l’intérieur, s’être faufilé entre mes écailles tel le prurit symptomatique d’un mal plus profond et plus fatal. Curieux, cela dit, qu’il se montre ainsi comme excès. Il serait plus logique qu’il se manifeste comme manque : un morceau arraché, un membre absent, un gros trou.
Quoi qu’il en soit, ce harpon n’est que redoublement : un panneau de signalisation, rien de plus. Reprenons depuis le début.