Nico Noctis
Bruxelles, Belgique
chroniques et articles divers
La Disco black et nocturne... bouleversante
Mais de nouveau, si je vous dis boumpaf comme ça que la Disco est née du Philly Sound et de la vague de films qu'on appelle aujourd'hui Blaxploitation, ça ne va pas dire grand chose à grand monde, alors croisons les chemins.
En 1974, on est en plein boom de l'après Soul. Du moins dans ce secteur là. Le Rock prenait un recul évident, probablement dû à son intellectualisation (et à la déferlante de l'héroine dès 71-73).
Le Rock Progressif genre ELP ou The Nice aux rythmes cahotiques et très complexes, le Headrock genre Hawkwind qui préfigurait le Hard Rock naissant, et le trip atmosphérique genre Pink Floyd ou Steve Hillage qui inventaient une nouvelle scène. Même lorsqu'il était beau ou doux, le Rock devenait de plus en plus sombre. La vague du Glam Rock a bien tenté d'équilibrer tout ça avec du délire brillant, des semelles compensées, du maquillage, des effets... c'était Gary Glitter, Slade, Roxy Music, T.Rex, Alice Cooper ou les New York Dolls (et plus tard Kiss)... mais c'était loin de suffire pour perpétuer le Rock comme pilier de la vie nocturne.
Resituons: dans les clubs, les deejays étaient obligés à un jeu d'équilibristes entre le Funk omniprésent et les classiques du Rock récent... sans pouvoir jamais trop verser dans la dépression de ce Rock, sa reprise de conscience après l'euphorie de 1965-70. Vous en conviendrez, la mélancolie ou l'angoisse... c'est pas facile pour créer une ambiance de fête.
Pendant ce temps, des artistes de Rythm'n Blues (le terme exact qui définissait la fin de la Soul et les débuts du Funk genre James Brown et Eddie Floyd en 1964, et qui a donné ses initiales à la RnB vers 1990) avaient structuré leurs réseaux, et devenaient des entreprises majeures sur le plan local. Motown, Stax, Atlantic, ABC, autant de labels qui se sont appuyés sur Ray Charles, Stevie Wonder, Isaac Hayes, Rufus Thomas, les Four Tops ou Aretha Franklin pour rayonner dans le monde.
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C'était le règne des producteurs, les éminences grises des studios, comme le célèbre et tumultueux Phil Spector (qui forcait les artistes à suivre telle ou telle influence, et à adopter son choix sonore pour séduire le plus grand public).
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D'autre part, cultivant une fierté nouvelle, les communautés noires des USA ne se cachaient plus. Le choc de l'assassinat de Martin Luther King, les émeutes de Chicago et de Californie, l'ascension fulgurante de stars comme les Supremes ou Otis Redding, tout ça leur ouvrait enfin le droit de relever l'échine.
Ils ont donc... tourné des films! Avec les moyens du bord, des décors à six sous, des effets spéciaux aujourd'hui hilarants, des micros qui apparaissent, des séquences délirantes et sans explications... le tout fondu dans une histoire de héros noir (forcément sympa, un peu proxénète, fringué comme une caricature) poursuivi par des blancs laids, riches, corrompus et racistes. (perso je recommande à tous la série des films de Rudy Ray Moore qui s'appellent tous "Dolemite"... top notch dans le genre)
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Pour ces films... il fallait des musiques... c'est là que tout démarre.
Car à la même époque se lance un nouveau style musical à Philadelphie (Pennsylvanie, Est des Etats Unis, là où ça caille), marqué par la sortie du titre "TSOP (the sound of philadelphia)" du groupe MFSB. Ce groupe assez énigmatique était sans cesse en rotation interne, et ne comptait que des musiciens habitués à faire les accompagnements des stars de la Soul. Au final, on ne sait jamais vraiment qui jouait sur quel enregistrement... mais un son était né. Et ce son allait coller aux films de la communauté noire, et être popularisé par les salles de cinéma des quartiers africains-américains.
Et alors? Bah et alors ces gars de Philadelphie ont inventé une sensation musicale nouvelle... faite d'une basse, d'un kick de batterie, et de violons!
Blast!
Bien sûr il y avait eu d'autres précurseurs... Manu Dibango et son Soul Makossa, ou les classiques du club The Loft, comme Hues Corporation et "Rock the Boat".
Mais quand le Philly Sound est arrivé porté vers le monde par le label Salsoul, ou le groupe First Choice (trouvez "Doctor love"!), et des voix comme celle de Loleatta Holloway sur des violons en pleine montée d'on ne sait quoi... bah y avait plus rien à faire, c'était plié, le Disco allait être partout... par-tout!
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Jette tes trucs indiens et vire ta Renault 4L. Rase toi la barbe, coupe toi les tifs, trouve une chemise de couleur et un foulard flashy, hésite pas à sortir une chaînette en or dans l'ouverture du col... les pattes d'eph tu peux garder, les bottes aussi... mais cire les. Adieu LSD, bonjour cocaïne, adieu utopie, bienvenue dans la négation de la crise qui arrive... on en chie du lundi au vendredi alors week-end = vidange par la danse!! Che Guevara c'est has been, bienvenue dans l'orgie et le lipstick.
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Nous sommes en 1975, Patty Labelle sort "lady marmelade", Gloria Gaynor met le monde à genoux avec sa "honey bee", Miami's KC and the Sunshine Band passe à la radio, la Disco génère des dizaines de groupes chaque mois, des milliers de disques, des stars comme Giorgio Moroder et Donna Summer, Lipps Inc., France Joly, Anita Ward et l'Europe n'en sait encore presque rien... elle regarde le Punk passer, pétrifiée... et à la télé, quatre chleus étranges font de la musique de robot sans beaucoup bouger... on leur reproche de faire trop peu de show pour tourner d'aussi petits boutons. Un groupe sans beaucoup d'avenir quoi... Kraftwerk (un nom difficile à retenir en plus). :)
Bref là ça y est c'était parti... et des playlists discos vous en trouverez à la pelle partout.
(et je vous reparle de nouveau de ce site basé à Chicago: www.deephousepage.com où un mix de 1978 de Discotizer vous attend en mp3. Deux faces d'une cassette d'époque... pure merveille où il fait durer certains morceaux en mixant deux copies.)
En 1976 le Disco a traversé l'Atlantique pour toucher l'Angleterre (jusque là occupée avec la Northern Soul), et en même temps toute la côte Nord-Est de l'Europe... de la Belgique à la Scandinavie. Après, faut pas s'étonner si Boney M venait d'Allemagne, si Abba venait de Suède ou si Patrick Hernandez a accepté de transformer sa ballade folk en tube Disco dans des studios de Mouscron en Belgique. C'est pas que l'Italie n'accrochait pas, c'est que c'est arrivé un rien plus tard... l'Italo Disco, c'était surtout 80-85.
Revenons un instant sur la France, parce que c'est un sacré morceau sur lequel on ne peut pas faire d'impasse... le temps de capter ce qui perçait par la nuit, elle s'est totalement lovée dans la Disco au point de l'avoir faite sienne. Vous croyez que Village People sont "seulement" de Manhattan? Vous saviez que la Ritchie Family était de Philadelphie? Ouais, bah sans Henri Belolo et Jacques Morali, pas de YMCA... pas de "Best Disco in town" en 1976 (un des morceaux les plus samplés de l'histoire de la House)... et plus tard en 86 pas de "StreetDance" de Break Machine, mais ça c'est une autre histoire. Restons Disco. :)
Allez... en 1976 Claude François (que je prends pour beaucoup de choses, mais pas pour un con en business) change de cap, et ajoute sa dimension Disco... entraînant Sheila et tous les rescapés des Yéyés dans son sillage. Il déclare partout que le Disco est la musique de l'avenir, que ça va absolument occuper tout le terrain des 20 années qui vont suivre. Il ne se prive pas d'en faire mention dans une "Radioscopie" anthologique de Jacques Chancel, sa seule interview dans un contexte totalement intellectualisé. Il avait raison et tort... comme toujours quand on tranche trop vite.
Et quoi, ne pas parler de Cerrone qui avait absolument compris l'air de ce temps? Ne pas parler de "Supernature"? Ce serait con, c'était une merveille. Notons aussi l'unique Disco auquel a participé David Gilmour des Floyd: "Mammagamma" par le Pink Project (alias Gilmour et alan Parson).
Après une omniprésence de 5 ou 6 ans en Europe occidentale, et un rejet absolument unanime par tout le public plutôt "arts et culture", la Disco s'est épuisée par le manque de moyens de sortir d'un cercle vicieux: respecter l'exigence du dancefloor, avec assez peu d'instruments, et surtout ne pas se répéter trop longtemps.
Aux USA c'était plus étrange. En 1981 il y a réellement eu une campagne de dénigrement... qui avait des accents assez racistes. Des bûchers de disques de Disco dans des parcs publics, des manifs anti-disco où on pointait aussi du doigt de simples chanteurs de Soul... des chanteurs noirs.
Là-bas, le Disco est retourné brutalement dans l'underground... repoussé dans les clubs africains-américains. La fascinante revanche allait devenir la House, 4 ans plus tard.
La fin du Disco ne fut pas qu'un déclin. Alors que Boney M. était moins demandé, que les Gibson
Brothers devenaient plus discrets à Amsterdam, qu'Ottawan y croyait pendant qu'Abba se tassait, les italiens de Rimini, Riccione et de toute la côte adriatique plongeaient violemment dans une nouvelle vision de la Disco: très orientée 'producteur' ... assez électronique, et souvent composée et enregistrée par une seule personne. Ca sonne TRES TRES commercial... et dites vous que c'est là qu'a commencé Romano Musumara... le premier producteur/compositeur de Jeanne Mas, ou de chtéfanidémonaco.
Riez, riez... en attendant, on sort à peine d'une période influencée a FOND par l'italodisco. Réécoutez les compilations de Dr Lektroluv. :)
Bon, j'ai mal aux doigts, je vais réécouter un mix de Tony Humphries en 79. ;)
Let's go Disco
hé... et en Disco, j'y connais rien au fond... donc c'est pas parce que je raconte un truc ici que ça contredit une autre théorie. c'est comme ça que je l'ai pigé, mais il manque 100 noms, 50 dates, 30 villes, ... rien ne naît d'un seul cerveau dans un seul mètre carré. Par contre... tiens? une musique black née dans la nuit. Intéressant.
Nicolas Deckmyn
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Auteur : Nicolas Deckmyn - Date : 2007