workshop photo Antoine d'Agata

Modifiée le : 12/09/2011

workshop photo Antoine d'Agata

Beata Szparagowska

Workshop photo avec Antoine d’Agata

Avant

Antoine d’Agata est un photographe important pour moi. Ses photographies me frappent par leur dureté, parfois à la limite de l’insupportable, mais aussi par une forme de poésie radicale. Le regard qu’il pose sur le monde est exigeant, intransigeant, douloureux mais sans compromis.

Il y a quelques années, j’avais pu l’entendre parler pendant une conférence à Bruxelles et j’étais surprise à quel point - malgré sa manière de s’exprimer embrouillée, parfois difficile à suivre - il était clair, lucide, cohérent et entier.

Cet été j’avais envie de travailler la forme du journal intime pendant le workshop que d’Agata donnait à Arles.

Je me disais que le regard d’Agata était très particulier, assez différent du mien et que ce serait passionnant de voir ce qui pourrait en écouler, de cette différence. Sans avoir cette tentation de travailler avec quelqu’un dont le style, l’esthétique me seraient trop familiers.

Pendant

Au début il y avait surtout mon refus. Cette résistance que je n’ai pas comprise tout de suite, presque à la limite de l’envie de partir. J’avais l’impression de ne pas pouvoir travailler comme je voulais. Comment trouver sa place face à quelqu’un au style tellement obsessionnel, au regard sur la réalité tellement imposant ? Comment ne pas être écrasé par ça ?

Besoin de trouver ma propre façon de travailler, mon propre chemin, ma marge à moi. Crainte que ce ne soit pas possible.

Les mots-clés du stage, qui revenaient tous les jours étaient : réalité, image forte, intimité, émotions, lâcher prise… Et ce dernier, peut-être le plus important pour moi : engagement. Engagement dans la réalité, dans la vie, dans la photo, dans la vie-photo.

On se trouvait tellement loin d’un workshop technique ou thématique, ni même d’un stage sur le regard. Il s’agissait plutôt d’une certaine prise de position face à la réalité, d’une certaine forme d’engagement dans cette réalité.

Plonger sans bouée de sauvetage dans ses émotions. Prendre des risques.

Une de rares (peut-être même la seule ?) consigne : explorer ses limites, essayer de les repousser.

Déterminer : où sont mes limites à moi et comment je veux les travailler ? Vers où je veux les pousser ? Et, surtout : pourquoi je pourrais avoir besoin de ça ?

Et d’autres questions qui se succédaient : comment travailler une émotion ? Comment traduire une émotion en image ? Comment lui trouver une forme ? Je me les posais, ces questions, tout long du workshop.

Le stage finissait par une exposition. Cette obligation de donner une forme précise, finie, de fermer le projet (même si c’est pour le rouvrir plus tard) rythmait notre travail, nous obligeait à faire avec ce qu’on avait, avec ce qu’il y avait.

Et, en même temps, de pousser le plus loin possible la réflexion, à essayer d’aller encore plus loin.

Pendant le workshop, Antoine d’Agata était plus que disponible. Il était toujours possible de le retrouver, même en dehors des heures prévues, dans le cas d’un problème, d’un doute ou juste pour discuter d’une idée, d’une inspiration. Son approche était exigeant mais attentif et non jugeant. Son engagement généreux.

Vers la fin du workshop - je pense que c’était peut-être même son avant-dernier jour -, quelque chose a basculé ; j’ai commencé à travailler sur une série d’images qui sont devenues le début du projet « Tache de naissance ». Ce jour-là j’ai enfin retrouvé aussi la joie de faire la photo.

Après

Cette semaine était une sorte de labo, d’expérience condensée. Bien sûr il y avait là-dedans quelque chose d’artificiel. Une prise de position, même provisoire était nécessaire, le pari étant d’élaborer dans un laps de temps très court, dans un environnement qui n’était pas le nôtre, un projet qui tenait en soi, même si c’était pour le remettre en question par la suite, le faire éclater en morceaux, le reprendre autrement.

Par ailleurs, je me suis posée pas mal de questions sur l’apprentissage, sur l’influence, l’inspiration. Comment s’ouvrir à une vision de l’autre sans se perdre soi-même ? Comment peut-on apprendre de quelqu’un sans tomber dans le piège de copier son style, sa façon de voir les choses, qu’est-ce qu’on prend pour sien et qu’est-ce qu’on refuse de prendre pour pouvoir rester soi-même ? Comment peut-on apprendre de l’autre tout en gardant son autonomie ?

Ce n’était certainement pas un stage facile, au contraire, il posait beaucoup de questions, de doutes. Il suscitait parfois un refus violent.

Maintenant, quand j’y pense, je me rends compte que quelque chose a changé, que je ne peux plus faire marche arrière, je ne peux plus travailler de la même façon. Cette idée est angoissante et exaltante en même temps.

Le stage de photographie « Aux limites de l’acte photographique : un journal intime» avec Antoine d’Agata a eu lieu du 25 au 30 juillet 2011 à Arles dans le cadre des Rencontres d’Arles Photographie.

Je tiens à remercier la Fondation SMartBe pour la confiance et le soutien qui m’ont été accordés.