Serge Giotti
Soignies, Belgique
Auguri
A propos de la photo "cover" exposée à la galerie Incise (www.incise.be), Charleroi, 2007. Nicola, (tirage baryté collé sur aluminium, 100-134 cm), © Serge Giotti, 2002. Peut-être, je l’espère, chacun se retrouvera dans l’image de cet enfant. Et chacun se rappellera avoir fermé ses yeux trop fort, du scintillement qui jaillit alors de l’obscurité, de cette solitude sourde suivie d’une pluie d’étoiles. Il y a des expériences de l’enfance dont ont ne parle jamais ou fort peu. Des expériences agréables dont le souvenir semble suffire pour ne pas les prolonger. Fermer les yeux trop fort, en s’aidant de ses doigts. Se surprendre des formes bizarres qui apparaissent et qui ne sont pas l’imagination, ne sont pas l’inconscient, qui vivent comme devant nous dans un rapport à soi et au monde neuf et détaché. Mais cette photographie fait plus que solliciter un souvenir. Elle convoque aussi, par l’habileté du cadrage, le désir d’un corps arraché à lui-même, tendu dans l’ivresse d’exister. En cela, l’image nous expose aussi à l’expérience d’un vertige. Si le corpus photographique de Serge Giotti peut s’apparenter à l’album de famille, il évite les écueils d’une photographie intimiste où repli sur soi et narcissisme concourent au désengagement de tout rapport à l’altérité. L’image de cet enfant qui s’aveugle parvient à suggérer une intimité qui n’a de sens que conjuguée au monde, l’aveuglement n’étant qu’un moyen d’émancipation pour mieux l’embrasser. Ce rapport dialectique entre intimité et altérité est à l’œuvre dans tout le travail de l’artiste. Si la photographie contemporaine peut flirter avec le cinéma, voir le théâtre, les images de Serge Giotti semblent plutôt s’inspirer de la danse pour les instants de déséquilibres et d’échappées qu’elles offrent à voir. Jamais les corps ne se fixent sur eux-mêmes. Ils s’engagent, s’échappent, nous invitent, dans un mouvement chorégraphique aussi singulier qu’universel. Benoit Dusart, 2007.