Supervivere

Modifiée le : 05/09/2016

L’exposition devait recevoir le titre de 50 Years After 1965: The History of Finding the Truth”, mais pour différentes raisons, principalement sécuritaires, les organisateurs ont modifié le titre en « Rekoleksi Memori ». Cette exposition avait la forme d’un musée temporaire. La commission nationale des droits de l’homme (Komnas HAM) intervenait comme organisateur principal de ce grand événement, en collaboration avec The Jakarta Arts Council (Dewan Kesenian Jakarta) et de Partisipasi Indonesia – un groupe de jeunes gens à l‘initiative de tout le programme. Elle se déroulait dans le Taman Ismail Marzuki (TIM) à Cikini, Djakarta, un important centre culturel et artistique dans la capitale indonésienne. TIM dispose de six bâtiments modernes destinés à des spectacles et expositions, de même qu’à une galerie, de l’archivage et du cinéma. Du 4 au 10 décembre ont été projetés quotidiennement des films sur les droits de l’homme; avec entre autres “The Act of Killing” et “The Look of Silence” (Joshua Oppenheimer), “40 years of Silence” (Robert Lemelson). Ce festival de cinéma était soutenu par Movies That Matter, projet d’Amnesty International aux Pays-Bas. L’ouverture de l’exposition “Rekoleksi Memori” a eu lieu le 7 décembre. Le chef de Komnas HAM a déclaré dans son discours : “un Etat fort est un Etat qui est bâti sur l’honnêteté, et qui connaît sa propre vérité/histoire ». C’est exactement ce qui était donné à voir aux visiteurs : des narrations alternatives. Vu le lavage de cerveau effectué durant des dizaines d’années par le régime de la dictature de Soeharto (au pouvoir de 1966 à 1998), où seule leur version de la « vérité » existait – uniquement de la propagande – ces autres récits ont laissé les gens sous le choc. A ce propos, mes séries de récits et interviews vidéo avec des exilés indonésiens dans des pays d’Europe de l’Ouest ont joué un rôle important. Je montrais aussi une copie de l’ordonnance des autorités indonésienne en Tchécoslovaquie, qui a conduit plus de mille Indonésiens à devenir des apatrides qui, après la tragédie de 1965, ont dû errer à l’étranger sans identité et sont restés une bonne trentaine d’années sans pouvoir rentrer chez eux. Le curateur de mon travail, qui avait pour titre “(De/Re)Construction”, était Joachim Naudts (du Musée de la Photographie d’Anvers). Tout l’événement a connu un grand succès. A côté du festival de cinéma et des expositions, il y avait aussi des spectacles de musique, des forums de discussion et des stands de différentes organisations. Rien que pour les expositions, le nombre des visiteurs a dépassé les 3000, avec la visite exceptionnelle de l’équipe présidentielle, du ministère de la justice et des droits de l’homme, d’ambassadeurs étrangers, etc. Beaucoup de choses ont été écrites, en ligne ou hors ligne, à propos de “Rekoleksi Memori”, tant par des journalistes locaux qu’internationaux. Le website www.lawanimpunitas.com (= contre l’impunité) présentait l’ensemble du programme et des informations complémentaires sur cette magnifique initiative. Grâce à ce dispositif, cet événement s’est déroulé en sécurité. Dans le même temps, un événement du Jakarta Arts Council, également autour de 1965, était annulé par la police, en raison de la menace de certains groupes. A travers toute l’Indonésie, de telles initiatives à propos de 1965 subissent encore souvent des menaces de groupes de milices et même une interdiction émanant de l’appareil d’Etat. En janvier dernier, dans un débat avec un professeur de l’Université nationale de Singapour, j’ai été invitée par le centre d’études pour la démocratie et les droits de l’homme de l’université de Sanata Dharma à Yogyakarta à expliquer ma stratégie visuelle, pour aborder un sujet sensible. En février, Partisipasi Indonesia a organisé une exposition solo de ma série à Utan Kayu 68H, une communauté artistique bien établie à Djakarta. A cette occasion, un beau texte philosophique à propos de mon travail a été écrit par un jeune professeur de l’Université Defensie à Djakarta, avec lequel j’ai participé à un forum de discussion.